mercredi 23 mars 2011

[SANTÉ] Et TOC !


Tous mes amis savent plus ou moins que j’ai souffert – et souffre d’ailleurs encore sous une forme beaucoup plus larvée – de troubles obsessionnels compulsifs : les fameux TOC. Je n’ai aucune idée de leur origine et ne sais pas plus pourquoi certains disparurent presque du jour au lendemain (sans doute un psychiatre me serait-il d’une aide quelconque dans la compréhension du phénomène, mais peu importe). Ce que je sais par contre très bien, c’est quelle était leur nature et dans quel périmètre de ma vie ils s’exerçaient.

Il y en avait de plusieurs sortes.
C’est très amusant aujourd’hui de les lister, surtout après avoir été consulter une liste des symptômes que l’on relève généralement chez les "TOCqués" (si vous me permettez l’expression) et après s’être rendu compte que je rentre totalement à l’intérieur de certaines descriptions et pas du tout dans d’autres.

Vous allez voir, c’est poilant !
Enfin, poilant, ça dépend pour qui.
Sans doute le jeune Hamilton trouvait-il la chose beaucoup moins "poilante" quand, après avoir touché 32 fois (c’est un nombre exact et pas du tout une estimation) la clé de la porte de sa chambre avant de dormir, l’anneau de ladite clé avait fait une subtile rotation d’un degré vers la droite ou vers la gauche et n’était donc du coup plus du tout parallèle au sol, forçant le pauvre adolescent à tout recommencer, dans un soupir intérieur crispé.

Je vous rassure, je ne fais plus ça désormais.
Il ne me reste plus que quelques simples reliquats du mal : une manie persistante liée aux chiffres 8 et 6, quelques TOC de vérification sans gravité ainsi que des envies ponctuelles de symétrie et de lancer de chats.
Rien de comparable à ce que je subissais quand j’avais quatorze ans, ni même vingt.

Dans les émissions traitant des TOC (ce genre d’émission revient de manière cyclique à la TV : ça fait toujours bien rire les téléspectateurs – enfin, surtout ceux qui n'ont pas de TOC), on est souvent confronté au cas du personnage atteint d’une forme sévère du TOC de propreté. Il se nettoie constamment les mains. Pour fermer le robinet, il doit utiliser ses mains, donc forcément les (re)salir… Chaîne sans fin qui le pousse à utiliser ses coudes pour couper l’eau et ainsi garder ses mains immaculées. Je n’ai jamais souffert d’un pareil truc. J’adore être propre, mais ça n’a jamais été une obsession au point de me laver tous les quarts d’heure... Enfin, j’aime bien être propre quand même. Mais bon...

Bref.

Je suis plus proche d’un autre cas d’école, que vous connaissez sans doute déjà : celui, ultra-classique, du gars qui va vérifier constamment que sa porte est bien fermée. Une fois éloigné de celle-ci, même s’il est certain qu’il vient de faire à plusieurs reprises le geste de vérification consistant à tourner la clé jusque dans ses derniers retranchements, il repartira quand même vérifier que sa porte est bien fermée. J’ai eu ce TOC, à différents moments de ma vie, pour les portes d’entrée, les prises électriques, l’eau, le gaz et les sources de chaleur. Étudiant, si je me faisais un café, je devais constamment vérifier que j’avais éteint le percolateur, que j’avais débranché la prise et que plus rien ne chauffait. Comprenez bien : je n’étais pas débile au point de croire que le perco avait la moindre chance d’être encore allumé. C’était rationnellement impossible. Mais je le faisais quand même. Quand une prise électrique devait absolument rester branchée (une horreur à mes yeux, mais c’était indispensable pour des objets comme l’ordinateur ou le frigo), je poussais la prise mâle de toutes mes forces pour être certain que ses broches étaient bien insérées dans son équivalent femelle (peut-être était-ce dû à un désordre sexuel sous-jacent ? Naaaaan...). Évidemment qu’elles l’étaient, c’était une prise électrique.

Vous allez me dire : "Bah, oui, beaucoup de gens ont ça, c’est très léger". Peut-être, mais à ces multiples TOC de vérification, somme toute assez banals, étaient juxtaposés non seulement un TOC de symétrie mais aussi une certaine forme d’arithmomanie.

En fait, ces trois TOC différents se confondaient en un TOC unique…
Vous allez voir, c’est poilant !
Enfin, poilant, ça dépend pour qui.

On va commencer avec deux exemples de symétrie. Quand je vivais chez mes parents, le sol de ma chambre était en parquet. Avant de dormir, il fallait que mes pantoufles soient parfaitement alignées aux lignes du parquet et qu’elles soient coupées exactement en leur milieu par une de ces lignes. Le livre ou la BD que je lisais devaient être alignés exactement de la même manière. En fait, tout objet posé au pied de mon lit devait respecter un ordre, une symétrie. Comme ceci :


Quand à la porte de ma chambre, il fallait que l’anneau de la clé qui se trouvait dans la serrure (qui ne servait à rien vu que je ne fermais pas ma chambre à clé) soit parallèle au sol. Quand je dis "parallèle", ce n’est pas "plus ou moins parallèle" : c’est exactement parallèle. C’est quelque chose qui est difficilement vérifiable, mais que je prenais le temps de vérifier chaque soir, en prenant différents angles de vue. Si l’anneau était perpendiculaire, ça n’allait pas car la clé (une vieille clé de porte) avait tendance à pencher un peu, comme si elle allait tomber. Si l’anneau n’était pas droit, je ne pouvais pas dormir du tout (parfois je rallumais la lumière pour vérifier – ce qui avait une autre conséquence, comme vous allez le voir plus loin).


C’était comme ça pour beaucoup de chose, mais pas pour tout. Certains objets pouvaient être en désordre le plus total sans que ça ne me fasse souffrir le moins du monde. Aujourd’hui, quand j’aligne (parfois pour faire rire mes amis, parfois de manière totalement inconsciente, ce qui est plus inquiétant) des objets sur une table, c’est du même ordre et ça vient de là.

Quant à l’arithmomanie, c’est un peu différent : en gros, ça consiste à faire des calculs inutiles mais néanmoins indispensables. Dans sa forme sévère, l’arithmomane va compter tout ce qui lui passe sous les yeux mais aussi faire une série de calculs sans intérêt pratique immédiat. Du genre compter le nombre de marches qu’il y a avant d’arriver en haut de Mont Hua (arithmomanie extérieure, qui joue sur l’environnement). Ou compter les lettres de certains mots (ma mère est comme ça : vous lui dites un mot et elle est capable de vous sortir très rapidement le nombre de lettres qu’il contient). Ou encore faire des équations mentales (arithmomanie intérieure). Ou encore compter le nombre de scouts composant un wagon.

Pour ma part, à ce niveau, mon gros problème était un problème de chiffres et de comptage. Je ne voulais pas (et ne veux toujours pas dans certains cas) entendre parler du chiffre 6. À l’inverse, je voulais constamment placer le chiffre 8 dans tout. J’ai eu aussi une phase "Je divise un nombre par deux le plus loin possible" mais je l’ai rapidement maîtrisée, celle-là...

Alors que les chiffres 8 et 6, c’est une autre histoire.
Vous allez voir, c’est poilant.
Enfin, poilant, ça dépend pour qui.

Le principe de mon arithmomanie personnelle est somme toute très simple (pourtant, de nombreuses personnes me prennent pour un taré quand je leur explique) : tout doit aller par 8 mais jamais par 6. 8, 16, 32, 40, etc. sont de très beaux nombres, mais pas 24 ni 48 car, malgré le fait qu’ils sont des multiples de 8, ils sont également multiples de 6 ! Les nombres 12, 18, 24, 30, 36, etc. sont forcément également à bannir.

Là où ça devenait un joyeux bordel, c’est quand ce TOC se mélangeait aux autres. Quand je mettais mes pantoufles parallèles au parquet, au pied de mon lit, il fallait que je les touche 8 fois... Si je n’étais pas certain du compte, je devais aller jusqu’à 16, puis 32, etc. Idem pour la clé de la porte de ma chambre : je devais la toucher 8 fois après l’avoir mise bien parallèle (avec la question existentielle : "Vu que je l’ai déjà touchée pour la mettre droite, est-ce que je dois la toucher seulement 7 fois ou bien je recommence à 0 ?"). Si je rallumais la lampe la nuit pour faire une vérification, je devais l’allumer et l’éteindre 8 fois de suite. Si j’avais un doute sur l’enfoncement d’une prise, je devais la toucher 8 fois. Il fut un temps où je comptais tout par huit, où je ne pouvais arrêter la lecture d’un livre qu’à une page multiple de 8 et non de 6, etc. C’est encore le cas maintenant, d’ailleurs, où je ne tiens pas compte des chapitres pour arrêter une lecture, mais seulement du numéro de page.

J’avais également un système de comptage par 8 pour les heures de réveil. Je pouvais me réveiller à 6h16 (oui, oui) parce que 6x60 minutes + 16 minutes font 376 minutes, soit un multiple de 8 et mais pas de 6. Ou bien à 7h44 car cela faisait 464 minutes, encore un multiple de 8 et non de 6. Il était hors de question de me lever à 8h42 par exemple... Mais c’était très simple à gérer,  en fait : aux heures paires, je ne pouvais me lever qu’à l’heure plus 8, 16, 32, 40 ou 56 minutes. À l’heure impaire, à l’heure plus 4, 20, 28, 44 ou 52 minutes. Quand je dis "j’avais", je mens un peu, voire beaucoup. Actuellement, la semaine, mon premier réveil sonne à 6h32 et le second à 6h56. Hem, et quand je m’en vais d'une soirée, la plupart du temps, je regarde si, à tout le moins, nous ne sommes pas dans le cas d'un multiple de 6. Tout ceci est expliqué dans le schéma ci-dessous :


Aujourd’hui, tout ça est un peu passé...
Sauf pour les heures.
Et pour le comptage de certaines choses.
Et pour la symétrie.
Et pour la fermeture de certains trucs.
D’ailleurs, est-ce que j’ai bien éteint la lampe de ma salle de bain ce matin ?
Mieux vaut en rire.

dimanche 20 mars 2011

[JEU] Ces jeux PC qui ont changé ma vie… Retour sur 25 ans de passion vidéoludique - Chapitre I : Introduction générale


Voilà plus d'un mois que je ne t'ai plus donné signe de vie (du moins sur ce blog), pour une raison qui tient presque à un seul événement : la découverte d’un jeu vidéo fan-ta-sti-que. Et comme toutes les fois que je découvre un jeu vidéo fantastique, je m’isole et utilise la majeure partie de mon temps libre pour y jouer.

"Dwarf Fortress" : construction d'un quartier
résidentiel tout confort pour nains de la Plèbe.
Le jeu sur lequel je passe beaucoup de temps pour le moment s’appelle "Dwarf Fortress". C’est un jeu splendide, vraiment. Certainement pas du point de vue esthétique (le jeu est moche comme un pou sur le crane chauve d’un nain, et je pèse mes mots !), ni de la facilité d’accès (il faut vraiment s’accrocher, avec toutes ces commandes au clavier et tous ces sous-sous-menus de psychopathe). Il est splendide sur le plan de la gestion d’ensemble d’un univers. Une création de grand malade qui prend tout en compte.

Bon, là, je montre ledit jeu à Léandra (nous sommes sur nos ordinateurs respectifs dans un café de notre quartier, pauvre de nous !) – en l’occurrence je lui montre un nain construisant des fortifications sur le dernier étage d’une tour de garde surplombant l’entrée principale de ma mine – et elle me dit : "Il faut quand même une grande capacité d’abstraction". Léandra n’aime pas trop les jeux, hein...

Mais je te parlerai de "Dwarf Fortress" une autre fois.
Là, j’écris l’introduction d’une série d’articles.
Une série d’articles sur les jeux PC.
Au départ, je ne voulais en faire qu’un seul (d'article) mais le tout risquait (encore) d'être totalement indigeste pour toi (déjà comme ça, il risque de l'être un tantinet).
Hem.

*
*   *

La magie d’un jeu vidéo est vraiment quelque chose d’impalpable (comme le sucre, en Belgique) et d’indéfinissable. Elle n’a parfois, voire souvent, strictement aucun rapport avec son esthétique : certains jeux sont graphiquement répugnants de prime abord (comme le premier "Civilization" de Sid Meyer ou le susnommé "Dwarf Fortress") mais procurent néanmoins des journées entières de découverte et de plaisir. À l’inverse, certains jeux sont de pures merveilles graphiques tout en étant linéaires, ennuyants, plats, vides, fades...

"Monkey Island II" (1991) : le jeu d'aventure
qui possède la fin la plus bizarre et la
plus extraordinaire du Monde du jeu vidéo.
Certains des plus beaux jeux vidéo sont liés à une création personnelle forte, à un coup d’éclat, une vision. Parfois, c’est le projet d’un homme seul, comme le mythique "Another World" d’Éric Chahi – difficile à croire, aujourd’hui encore, que c’est un homme totalement isolé qui est à l’origine de ce jeu ! – ou le beaucoup plus récent et très beau "Braid" de Jonathan Blow – qui révolutionne le jeu de plate-forme en intégrant une nouvelle donnée : le temps. Parfois, c’est le projet d’une petite équipe de génies, comme le fabuleux et unique "Dune" (premier du nom) de Cryo, dont je reparlerai très bientôt. Un jeu, c’est très personnel, l’air de rien, un peu comme une œuvre d’art. Même lorsqu’une grosse équipe est mise en œuvre pour réaliser un jeu vidéo, ça reste souvent très personnel (les deux premiers opus de "Monkey Island", signés Ron Gilbert, avec derrière lui la super-production LucasFilm/LucasArts, en sont peut-être le meilleur exemple).

Bref.

Tout ça pour dire que je n’ai pas encore abordé dans ce blog ma passion pour les jeux PC. J’ai pourtant vécu de nombreuses semaines, de nombreux mois – que dis-je "de nombreux mois" ? – de nombreuses années sur des jeux PC. À tel point que, quand j’étais adolescent, ma vie en dehors de l’école se résumait à lire de la science-fiction et à jouer à l’ordinateur. No sex, no drugs, no rock and roll. Seulement des livres et des jeux. La situation n'a d'ailleurs pas beaucoup changé.

L'Atari 2600.
Mon tout premier souvenir de jeux vidéo est un peu perdu dans les brumes du temps. Je pense que je devais avoir entre 6 et 7 ans. À l’époque, je n’avais pas encore d’ordinateur mais j’avais accès à l’antique console de jeu de mes cousins plus âgés, la mythique Atari 2600 (premier modèle), avec des séries pourries mais néanmoins fameuses telles que "Combat" (un jeu de tanks et d’avions tellement pixélisé qu’il fallait presque imaginer le tank), "Pong" (un jeu de ping pong minimaliste) ou encore le très connu "Asteroids".

"Sram". Oui, c'est un peu simpliste
mais ça date de 1987, hein !
Aux alentours de mes huit ans, mon père acheta le premier ordinateur familial, un Commodore PC-10, un des fameux et nombreux PC "compatibles IBM", avec ses deux lecteurs de disquettes 5 pouces ¼, son écran CGA et son absence totale de disque dur (il fallait charger les jeux et les logiciels dans la "mémoire vive" depuis une ou plusieurs disquettes souples : ça prenait beaucoup de temps et ça faisait beaucoup de bruit). Je me souviens avoir passé de nombreuses heures sur "Lode Runner" de Brøderbund Software (un jeu de plate-forme qui consistait à échapper à ses adversaires en montant des escaliers et en creusant des trous dans le sol), "Popcorn" (un casse-brique gratuit et bien foutu – en fait, je ne me souviens pas avoir jamais trouvé mieux dans le genre) ou encore "Sram" (un jeu où tout se faisait par actions écrites au clavier, du style "Monter dans l’arbre", "Traverser la cascade", "Lire le dolmen", "Remplir la gourde", etc.). Des jeux parmi tant d’autres… C’était avant Windows 3.1. C’était l’époque du MS-DOS à lignes de commande et du langage GW-Basic, qui était vraiment basique.

Un peu plus tard, au début des années 90, les ordinateurs avaient déjà bien évolué par rapport à mon antique Commodore... Lors de ma fête laïque (l’équivalent – tout aussi nunuche – de la communion mais pour les non-croyants) à douze ans et quelques mois, je reçus une médaille ridicule et assez d’argent pour m’acheter la machine de guerre de l’époque : un 386, avec écran super VGA (256 couleurs s’il vous plaît !) et un vrai disque dur tout neuf de quelques centaines de mégaoctets (oui, oui, on parlait de mégaoctets à l’époque). 

C’est à mes yeux l’âge d’or pour les jeux vidéo PC. C'est à ce moment-là que j'ai découvert "Dune", le jeu puis le livre qui ont changé ma vie. Les ordinateurs avaient alors assez de puissance pour permettre beaucoup de choses, mais pas assez pour rendre les concepteurs fainéants en misant tout le gameplay sur les effets spéciaux. 


L'introduction du jeu "Dune" (1992). 
Rien que de la revoir, ça me redonne des frissons.

*
*    *

Voilà ! Durant les mois à venir à venir, de temps en temps, je viendrai  donc nourrir cette série d’articles avec des chroniques de jeux PC et j’expliquerai pourquoi je les aime tant. Je te préviens : si tu n’es pas fan, ça risque d’être d'un intérêt très limité, voire totalement sans intérêt !

Et je continuerai sans doute, en parallèle, de t'ennuyer avec des articles  faisant l'éloge des araignées ou reprenant les règles du concours de lancer de chats ou encore vantant les mérites de la régulation des scouts dans les trains...

À bon entendeur !

dimanche 6 mars 2011

[HUMEUR] Une seule solution : la défragmentation (bah quoi, c'était grève générale vendredi)


Hier soir, Hamilton était au resto avec de vieux amis pour un anniversaire. La fille a annoncé qu'elle était enceinte. Moi, pendant ce temps-là, je tentais pathétiquement de draguer sur Facebook des types entrecroisés.

Sur trois, un seul a répondu à mon invitation. Le seul qui n'est pas libre évidemment…

Je l'ai vu deux fois, ce type. Et encore, la seconde fois, c'était dans le tram. Il lisait un livre ancien. La veille, mon cœur avait fait boum quand je l'ai vu pour la première fois.

(Oui, c'est compliqué. En fait, je l'ai rencontré deux fois, mais deux jours de suite, et totalement par hasard. Enfin, je veux dire, totalement par hasard la seconde fois, dans le tram. Parce que la première fois, c'était à un anniversaire chez des amis communs, ou plutôt des amis à moi et des amis à sa copine - une jolie grande fille intelligente, une musicienne. Et mon cœur a fait boum car il ressemblait énormément à un ami dont j'étais très amoureuse à l'Université. En plus, je me suis aperçue qu'il était un collègue de cet ami en question, qu'ils se connaissaient bien, qu'ils allaient régulièrement discuter le coup sur le temps de midi - des musiciens).

J'étais tellement chamboulée que je suis allée me planquer aux toilettes, pour me remettre, et pour griffonner mon numéro de téléphone sur un bout de papier. Mais je ne lui ai pas passé finalement. Je n'ai pas eu le cran, et je ne voulais pas créer d'incident diplomatique dans le cas où mon manège aurait été découvert.

On ne se refait pas.

Je pense que c'est plutôt bon signe, que je me remette à échafauder des plans sentimentaux foireux. Ca prouve que je reprends du poil de la bête. C'est aussi bon signe que je vienne les raconter sur le Noctambule (en plus, ce blog commençait à faire long feu - qu'on se rassure, Hamilton prépare aussi un article, sur les jeux vidéo, et j'attends toujours avec impatience qu'il nous parle de ses amitiés centrifuges).

J'ai eu un petit coup de mou ces dernières semaines, pour des bêtes questions de boulot.

Un mauvais choix professionnel, l'impression de ne pas être du tout à ma place là-bas et de gaspiller les heures de ma vie, l'angoisse d'être coincée pour longtemps dans un job intellectuellement peu stimulant (et c'est un euphémisme).

(J'ai pas l'air comme ça, mais il faut savoir que ma carrière est très importante pour moi, car c'est la seule chose que j'avais toujours bien géré jusqu'à maintenant - j'expliquerai ça mieux dans mon blog à moi, que j'ai bien l'intention de ressusciter un jour, puisque par les temps qui courent, je vais avoir plus que jamais besoin de personal branding).

A force d'insatisfaction et d'ennui entre neuf heures et dix-sept heures, j'étais au bord du burnout. Ça va un peu mieux, mais ce n'est toujours pas brillant.

Mon cerveau tourne au ralenti et fait des trucs bizarres. Il bugue. J'ai parfois l'impression de percevoir des mouvements là où il n'y en a pas, et j'ai vu des cafards imaginaires courir sur mon beau carrelage noir. J'ai d'horribles trous de mémoire et d'énormes difficultés à me concentrer (pour donner une idée, je n'ai pas lu un seul livre en entier en 2011, j'arrive à peine à tenir la lecture d'un post de blog - la dimension maximale qui me convient dans ces conditions, c'est le statut Facebook).

Je me focalise là-dessus, et ça fait pire que mieux. Je fais un jeu avec mon cerveau, pour me rassurer (ça me fatigue plus qu'autre chose, mais bon). Je laisse mon esprit vagabonder d'une personne à l'autre, à toute vitesse, et je cherche à mettre un nom dessus. Je panique quand je bloque sur Benjamin Biolay ou Vincent Lindon.

Dans ces cas-là, j'ai presque l'impression d'entendre le "cr-cr-cr" des méninges qui tournent folles, comme des plaquettes de frein qui patinent (ou quelque chose comme ça - je suis nulle en mécanique).

(Le fait de m'être pris ces derniers mois quelques grosses cuites qui finissent en blackout complet de plusieurs heures n'arrange rien à l'affaire évidemment…).

Mon ex est neurologue. Je l'ai appelé pour lui parler de mes problèmes. Mais il ne semble pas prendre mon cas très au sérieux (en même temps, il n'a jamais pris grand chose qui me concerne très au sérieux).

Le salut serait selon lui dans le repos et une vie réglée (il peut parler, lui). Les idées se remettraient miraculeusement en place en dormant huit heures par jour et en mangeant à des heures régulières des plats équilibrés (et puis quoi encore : regarder la télévision plutôt que de m'étourdir sur Internet ?).

Je devrais décidément ne sortir qu'avec des geeks. Car eux pourraient me souffler une solution qui me séduirait davantage : une bonne défragmentation.

Je sens bien que c'est là qu'est le problème : c'est le foutoir dans ma petite tête. Les idées s'entrechoquent, les angoisses tapies, les souvenirs approximatifs, les factures en retard, les emballements, les projets, les frustrations, les sentiments contradictoires. Entre tout ça, je m'éparpille.

Je suis intrinsèquement une personne bordélique, y compris dans ma façon de structurer ma pensée. Mais jusqu'à présent, cela ne m'avait pas posé de problèmes "de performance". Je compensais ça par une certaine vivacité d'esprit (oui !) et beaucoup de feeling. Là, apparemment, ce n'est plus suffisant…

C'est passé de mode, les défragmentations. Ça se fait tout seul, maintenant, je crois, sur les ordis.

J'ai la mémoire qui flanche (je crois l'avoir déjà dit), mais je garde le souvenir vivace des défragmentations de mon adolescence. Mon père qui insistait pour qu'on le fasse régulièrement, et ça durait des plombes. Je revois ces couleurs qui se rassemblaient, ces espaces qui se comblaient : c'était joli.

Je veux ça, voilà. Appuyer sur un bouton, lancer un petit programme, et que ça trie.

Exit les souvenirs inutiles de vieilles histoires qui n'ont pas abouti. Basta les confusions entre ce qui est beau et ce qui fait seulement mal. Faire la part des choses entre ce qui relève du fantasme et ce qui existe vraiment. Unifier les projets, leur donner un sens unique et univoque. Zapper les interférences. C'est une condition indispensable, je crois, pour faire de la place pour autre chose.

Il est grand temps que j'arrête de perdre mon temps, à des bêtises.